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One Bear Mountain – Réinventer sans démolir
À Langford, en Colombie-Britannique, à proximité de la ville de Victoria, le site de One Bear Mountain représentait un défi rare dans le paysage architectural canadien : un projet ambitieux, abandonné depuis de nombreuses années, ne laissant sur place qu’une imposante base en béton. L’idée initiale, imaginée pour accueillir deux tours se faisant face, s’était figée dans le temps, laissant une structure inachevée comme témoin d’un élan interrompu.
L’intervention d’ACDF Architecture s’est appuyée sur une conviction claire : plutôt que de raser et recommencer, il fallait préserver et réinventer. « Démolir aurait été la solution la plus simple, mais aussi la plus coûteuse pour l’environnement. Notre premier geste a été de voir cette structure non pas comme une contrainte, mais comme une opportunité », souligne Maxime Frappier. En s’inscrivant avec précision dans la trame existante, en respectant l’implantation des colonnes et les lignes structurelles héritées du projet initial, l’équipe a choisi de minimiser les modifications pour réduire l’empreinte carbone et donner une nouvelle vie à ce socle inerte. Ce geste de conservation est aussi un geste environnemental fort : éviter la démolition, c’est éviter le gaspillage de matériaux et l’énergie grise qui y est associée.
Le redesign complet a néanmoins offert l’opportunité de repenser la volumétrie. Au lieu de reconduire le gabarit rigide et frontal du concept d’origine, les architectes ont imaginé des formes souples et courbes, inspirées par les ondulations du parcours de golf voisin et par les lignes naturelles des montagnes environnantes, notamment le mont Finlayson. « Nous avons voulu que la tour épouse son paysage plutôt qu’elle ne le domine, qu’elle se lise comme une extension des lignes naturelles du site », précise Frappier. Cette approche, pensée comme un blur the limits, atténue la perception visuelle du volume, adoucit son impact sur le voisinage et crée une silhouette organique qui s’inscrit avec fluidité dans le paysage.
Si le caractère plus courbe du massing contribue à adoucir la présence du projet, sa matérialité joue un rôle tout aussi déterminant. La base est revêtue de pierre naturelle, un choix qui résonne avec le contexte immédiat de Bear Mountain, où les murets de pierre sont omniprésents pour aménager les terrains en pente, et avec les escarpements rocheux spectaculaires qui façonnent le paysage. « Nous voulions que la base du bâtiment semble émerger du sol, comme si elle avait toujours été là », explique Frappier. Cette assise minérale ancre le bâtiment dans le sol et lui confère une dimension tactile et intemporelle.
Au-dessus, la tour adopte un langage plus horizontal, souligné par une succession de balcons continus qui ceinturent l’ensemble. Les garde-corps, à leur base, sont habillés d’un parement évoquant le bois, encadré par de fines moulures horizontales blanches à la tête et au pied. Ces lignes captent la lumière du jour, accentuent la lecture des coins arrondis et révèlent les ondulations du coude intérieur de la volumétrie. Les panneaux séparateurs, légèrement décalés d’un étage à l’autre, introduisent un rythme subtil qui dynamise la composition et génère des jeux d’ombre et de lumière changeants au fil de la journée.
Premier immeuble en béton et acier construit dans la communauté de Bear Mountain depuis 15 ans, le projet s’élève à proximité immédiate des premiers tertres des parcours Mountain et Valley, ainsi que du 18e trou du prestigieux parcours PGA Mountain signé Nicklaus Design. Sa silhouette élancée et sa matérialité soignée lui confèrent une présence forte, tout en restant en dialogue avec la topographie, les lignes du golf et le caractère naturel du site.
Le bâtiment réunit 209 résidences conçues avec soin, parmi lesquelles de spectaculaires penthouses en rooftop. Les logements sont organisés pour maximiser les perspectives sur le lever et le coucher du soleil, avec de larges ouvertures cadrant les vues sur le mont Finlayson et le paysage naturel environnant.
Le projet bénéficie de deux entrées principales, chacune offrant une expérience distincte. L’entrée principale, située sur la rue qui mène à la voie d’accès principale du domaine et au parcours de golf, affirme le caractère institutionnel et représentatif de l’édifice. La seconde, positionnée au-dessus du podium, s’ouvre sur une rue plus résidentielle et paisible. Ici, un aménagement paysager ponctué de murets courbes guide les résidents vers un hall secondaire qui donne directement sur des salons communs et une terrasse offrant des vues imprenables sur le paysage.
Les espaces communs, totalisant environ 26 000 pi², prolongent naturellement la vie domestique et incluent notamment une piscine au 15e étage — unique en son genre à Victoria — offrant des panoramas saisissants. Le 16e étage accueille un salon panoramique ouvert sur une vaste terrasse, complété par un centre d’affaires et un service d’accueil. Un centre de conditionnement physique, des espaces de yoga et des zones de détente inspirées des spas enrichissent l’expérience résidentielle, tandis que des jardins paysagers apportent une dimension sensorielle et apaisante au pied du bâtiment.
Par sa hauteur, One Bear Mountain s’impose comme un repère sur l’horizon, visible à grande distance. Pourtant, son architecture parvient à instaurer une cohérence avec son contexte immédiat. En symbiose avec le golf et le caractère naturel unique de Bear Mountain, il incarne un équilibre rare entre verticalité assumée et intégration paysagère.
Plus qu’un simple projet immobilier, One Bear Mountain illustre la valeur d’une approche architecturale fondée sur la réutilisation intelligente, la réduction de l’empreinte carbone et l’intégration contextuelle. « Réhabiliter l’existant, c’est aussi raconter une histoire : celle d’un site, de ses forces et de ses cicatrices, et de la façon dont on peut en tirer une beauté nouvelle », conclut Maxime Frappier. Élégant et contemporain, le projet démontre qu’un édifice de grande hauteur peut non seulement respecter, mais aussi enrichir un site naturel d’exception, offrant un modèle inspirant pour la réhabilitation de projets inachevés partout au pays.
Avec One Bear Mountain, ACDF signe sa quatrième réalisation majeure en Colombie-Britannique, après des projets notoires tels que The Pacific par Grosvenor, le centre artistique 825 Pacific à Vancouver et Parq Vancouver, le complexe emblématique adjacent au BC Place Stadium. Projet développé en partenariat avec Zeidler.