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Dans un contexte urbain en transformation, la reconversion d’un ancien secteur industriel en quartier résidentiel représente l’un des défis les plus sensibles pour les architectes. Trop souvent, les nouveaux bâtiments effacent les traces du passé au lieu d’en tirer parti. Vivre 2 propose une toute autre approche : un projet exemplaire qui démontre comment l’intégration de l’habitat dans un tissu post-industriel peut non seulement préserver le génie du lieu, mais le révéler avec force et cohérence.
Situé dans le secteur Atlantic de l’arrondissement Outremont, à l’arrière du nouveau campus de l’Université de Montréal, ce projet résidentiel s’élève sur une parcelle longtemps enclavée, autrefois vouée à des usages industriels. Grâce à la création de la rue Thérèse Lavoie-Roux, ce secteur s’ouvre désormais à la ville et à de nouveaux usages. C’est dans cette dynamique que s’inscrit Vivre 2, conçu par ACDF Architecture, en continuité avec le projet Vivre 1 réalisé à proximité.
Loin de reproduire un modèle résidentiel standard, Vivre 2 s’inspire du caractère industriel du site, de sa matérialité, de ses gabarits et de ses typologies pour produire une architecture à la fois puissante, articulée et enracinée dans son contexte. « La reconversion d’un secteur comme celui-là ne doit pas être une page blanche, mais un dialogue entre l’avant et l’après. Notre rôle est d’écouter ce que le site a à dire, puis de bâtir avec cette mémoire », affirme Maxime Frappier, architecte principal du projet.
Une trame industrielle réinterprétée
La volumétrie du bâtiment, imposante et assumée, évoque celle des anciens entrepôts qui peuplaient jadis le secteur. Elle est néanmoins animée par un travail subtil de fragmentation, qui confère à l’ensemble une dynamique proprement contemporaine. Une faille oblique, marquée par des garde-corps en verre, gravit l’une des façades principales depuis le rez-de-chaussée – où se trouvent le hall et un local commercial – jusqu’aux derniers étages. Ce geste, à la fois délicat et structurant, fragmente sans effacer l’unité monolithique de l’ensemble. « Nous avons voulu injecter de l’air dans la masse, comme une respiration architecturale qui structure sans alourdir », explique Frappier.
Le traitement des matériaux s’inscrit lui aussi dans une volonté de continuité et de réinterprétation. Deux teintes de briques d’argile ont été utilisées : la première, souligne la trame structurante du bâtiment, en écho aux anciennes structures de béton ou de brique; la seconde agit comme matériau de remplissage. Ce jeu de contrastes évoque les façades industrielles classiques tout en offrant une lecture résolument actuelle.
Les façades sur rue traduisent la volonté des architectes de proposer une réponse en parfaite cohérence avec le caractère industriel du site : matérialité sobre, trame affirmée, volumétrie assumée. À l’inverse, la façade donnant sur la ruelle, plus ouverte et dynamique, exprime une intention différente : initier une réappropriation douce de ces espaces délaissés, en les transformant en lieux de vie partagés, plus perméables et plus humains.
Réhabiliter la ruelle comme espace de vie
Cette volonté de réactivation de la ruelle s’exprime aussi dans la programmation. Plutôt que de reléguer les espaces communs en toiture, sous forme de chalet urbain, ACDF a choisi de les positionner au rez-de-chaussée, sur la ruelle. Cette décision renforce la vie collective et la sécurité des lieux tout en animant l’espace public. Elle prolonge la logique engagée avec Vivre 1, et propose un modèle d’habitat urbain plus participatif, connecté à son environnement immédiat.
« Dans un secteur qui a perdu sa vocation industrielle, les ruelles deviennent des lieux d’opportunités. Ce sont des espaces en devenir qui méritent qu’on y injecte de la vie, pas seulement du service », soutient Maxime Frappier.
En conclusion
Vivre 2 illustre de manière exemplaire comment intégrer de l’habitat dans un tissu urbain à forte identité, en conciliant reconversion et densification sans trahir l’histoire ni sacrifier la qualité architecturale. Par son implantation, sa matérialité, son expression et son rapport au sol, il constitue un modèle cohérent pour repenser la transformation de nos milieux urbains avec intelligence, justesse et sensibilité.